Alexandre Pillet, notre apiculteur

Pour cette quatrième interview, je suis allé à la rencontre d’Alexandre PILLET, notre apiculteur.
Nous avons parlé des difficultés qu’il rencontre en ce moment et pour lesquelles il a lancé un appel à solidarité. Nous avons aussi parlé de lui et de son parcours, et j’ai profité de l’occasion pour en apprendre plus sur la fabrication de miel et le métier d’apiculteur. Alexandre viendra à l’AMAP le vendredi 15 mars. N’hésitez pas à aller à sa rencontre et à lui poser plus de questions.
Bonne lecture à vous.

Hervé

Alexandre, tu as lancé un appel à solidarité. Que t’est-il arrivé ?

J’ai perdu la moitié des colonies d’abeilles en 2023 ! Ca a été une très mauvaise année pour plusieurs raisons. Les canicules réduisent les quantités de pollen disponible. La pression du frelon asiatique est toujours très forte. Le varroa, un acarien parasite présent dans quasiment toutes les ruches du monde, maintient également une pression sur le cheptel.

Et pour finir, des inondations en Charente-Maritime ont emporté 16 de mes ruches ! Bref, en un an, mon cheptel est passé de 200 à 100 ruches ! Je dois donc racheter en urgence une soixantaine d’essaims (un peu plus de 140 € l’un) et diviser certaines grosses colonies pour faire une quarantaine de ruches supplémentaires. J’espère avoir à nouveau 200 ruches en production d’ici 2025.

Pourquoi ne divises-tu pas plus de colonies pour augmenter plus rapidement ton cheptel ?

Quand on divise une colonie, on l’affaiblit. La production de miel diminue alors fortement. Les divisions se font au mois d’avril. Dans un premier temps, l’activité de la ruche se concentre sur la ponte et la nourriture à apporter aux jeunes larves. La production de miel ne commence donc qu’à partir de mi-juin et encore, elle n’est qu’à 50 % de sa capacité.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette technique de division d’une colonie ?

Quand une colonie est suffisamment grosse, je peux prélever des œufs et des abeilles et les installer dans une nouvelle ruche. Les nourrices, qui s’occupent de l’élevage des larves, se rendent compte en quelques heures que la ruche n’a pas de reine. Au lieu de nourrir les larves avec de la gelée d’ouvrière, elles se mettent à les nourrir avec de la gelée royale.

C’est ça qui déclenche certains gênes et qui font que les larves ne deviennent pas des ouvrières, mais des reines ! C’est un vrai cas d’école de ce qu’on appelle l’épigénétique : les reines et les ouvrières ont le même code génétique, elles sont issues des mêmes larves, mais ce sont les conditions de vie dans les premières heures qui vont activer certains gênes et pas d’autres.

En quoi l’opération que tu as lancé va t’aider à relancer ton cheptel ?

En fait, c’est une avance sur trésorerie. Je vous propose d’acheter maintenant du miel que je ne livrerai qu’en octobre. Je peux ainsi acheter les 60 essaims et fabriquer les ruches qui manquent.

Peux-tu nous décrire le parcours qui t’a amené à devenir apiculteur ?

En début de carrière j’étais aide-éducateur dans un lycée agricole. J’ai découvert l’apiculture en 2005 et ça m’a passionné. J’ai pris trois années pour suivre une formation (BPREA) et travailler comme ouvrier agricole. Ca m’a laissé le temps de monter mon exploitation et de créer mon propre cheptel avec l’aide de la région et des fonds européens.Mon activité agricole a vraiment démarré en 2009.

Je viens de la région de Montpellier et je suis venu vivre en Gironde pour assouvir mon autre passion, le surf. En fait, j’ai aussi une trois troisième passion : la musique. Je joue de la contrebasse dans un groupe de jazz manouche qui s’appelle Jazzymuté. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai appelé mon exploitation

« Le Rucher des Musiciennes ».

On entend dire que les apiculteurs sont des paysans sans terre ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Pour faire du miel, il faut déplacer régulièrement les ruches pour suivre les floraisons. Il n’est donc pas utile de posséder du foncier, il faut plutôt trouver des agriculteurs ou des particuliers qui peuvent accueillir nos ruches dans un environnement favorable. Je privilégie surtout des exploitations agricoles soit bio soit entourées de forêt. Je place aussi certaines ruches sur des parcelles forestières qui appartiennent à des particuliers. Je m’assure que mes abeilles vont butiner dans un environnement sain, avec beaucoup de fleurs et peu de pollution.

En tout, je travaille sur neuf sites : quatre en Gironde, trois dans les Landes et deux en Charente-Maritime.

Le gros de mon travail consiste à anticiper et organiser la transhumance des ruches. Je suis le calendrier de floraison : la saison commence avec le colza, qui fleurit le 1er avril ; ensuite il y a l’acacia le 1er mai ; puis le châtaignier le 1er juin ; et enfin la bruyère et le tournesol le 1er juillet.

Bien sûr, ces dates fluctuent de cinq à dix jours en fonction de la météo. Je passe donc beaucoup de temps à observer la météo et l’évolution des végétaux au long du cycle des saisons.

Les transhumances s’anticipent : je dois faire quatre ou cinq voyages pour déplacer l’ensemble de mon cheptel. Je les déplace la nuit, pour être sûr que toutes les butineuses sont bien dans la ruche.

Et c’est aussi à cette saison que je dois extraire le miel. Autant dire qu’entre le 15 mars et le 15 octobre, j’ai de quoi m’occuper ! Le mois de juin est la période la plus chargée de l’année pour moi. En plus, je suis obligé de commercialiser pendant toute l’année. Autant l’hiver, j’ai du temps pour ça, autant, pendant la période de production, c’est parfois compliqué !

Quelles sont les autres composantes du métier d’apiculteur ?

La priorité, c’est de veiller à ce que les abeilles aient de bonnes ressources en miel et en pollen. C’est donc l’organisation des transhumances dont je viens de parler.

Ensuite, il faut s’occuper du bon développement des ruches. Il faut savoir que les abeilles hibernent dans la ruche. La colonie rétrécit alors, pour des questions de survie. Elle passe de 40 000 à 15 000 individus. Au printemps, toutes les abeilles s’activent pour faire grossir à nouveau la colonie. Le soin qu’apporte alors l’apiculteur est essentiel.

Par exemple il faut renouveler la cire qui est présente dans les ruches : je sors à peu près 20 % de la cire chaque année, je la fais fondre, je la filtre, puis je la remets dans les ruches. Cela permet de prévenir des maladies comme la loque américaine et la loque européenne. La plupart des polluants présents dans l’environnement des abeilles se retrouvent également dans la cire.

En agriculture conventionnelle, on peut retrouver pas mal de produits phytosanitaires qui se concentrent dans la cire. Dans certains cas, ça devient tellement grave que la colonie peut s’effondrer.

Au printemps, l’apiculteur doit aussi donner ponctuellement du sirop de sucre aux toutes petites colonies, pour stimuler la ponte de la jeune reine. En hiver, si une ruche n’a pas assez de miel pour « hiberner », je peux en ajouter ou mettre du candi (mélange sucre+ miel), c’est pour sauver la ruche de la famine, ca se fait au cas par cas suivant les besoins. Ça peut arriver sur des jeunes colonies qui n’auraient pas réussi à faire suffisamment de réserves, ou aussi sur des colonies qui subissent une forte pression du frelon asiatique.

Les ruches ne reçoivent en aucun cas de sucre lorsqu’elles sont en production, c’est d ailleurs interdit et contrôlé.

Une question bête : comment les abeilles font-t-elles le miel et quelles sont les ingrédients ?

Les abeilles aspirent le nectar qui est dans le pistil des fleurs. Le nectar c’est de l’eau avec 15 % de sucres. Les abeilles transforment ce nectar dans leur tube digestif, puis elles le sèche dans les alvéoles de la ruche jusqu’à ce qu’il y ait moins de 18 % d’eau.

Ainsi, dans le miel, on trouve un peu d’eau, beaucoup de sucres, quelques traces de pollen, des oligo-éléments, des acides aminés, et l’acide gluconique : c’est ce composé qui joue un rôle désinfectant important dans le miel. Vous avez sûrement entendu parler de l’utilisation de miel comme antiseptique en milieu hospitalier, notamment pour accélérer la guérison la cicatrisation.

On entend aux actualités que les apiculteurs français traversent une crise importante. Peux-tu nous en dire un peu plus et nous raconter comment est-ce que tu vis cette période mouvementée ?

La crise actuelle de l’apiculture française est due à trois facteurs : la baisse de la production, la chute des prix et l’inflation.

La baisse de la production vient surtout de la forte mortalité due au frelon asiatique , du varroa, mais aussi de pollution en générale et de la destruction des biotopes.

Pour la baisse des prix, il y a une concurrence de miels importés (de Chine, d’Ukraine, etc.) à des prix incroyablement bas. Il y a même des « faux miels » et des fraudes en tout genre ! Tout ça fait que les collègues qui vendent sur le circuit classique (grossistes, grande distribution, etc.) se retrouvent à vendre à perte. Certains arrêtent même de vendre et accumulent des stocks en espérant que la situation s’améliore.

Enfin, avec l’inflation, nos coûts de production ont augmenté. Les apiculteurs se retrouvent donc pris en étau entre une augmentation de leurs charges et l’effondrement de leurs prix de vente !

En ce qui me concerne, mon modèle économique est bien plus résiliant : en ayant fait le choix de la vente directe, dont 70 % en Amap, je ne subis presque pas cette concurrence déloyale. Bien sûr, je n’échappe pas aux difficultés liées à la production ni à l’inflation sur les matières premières, mais au moins, je peux continuer mon activité puisque j’ai une clientèle fidèle et des prix qui se maintiennent.

70 % de tes ventes dans les Amap ! Tu es donc engagé dans plusieurs Amap ?

Je travaille avec 11 Amap au total. Bio’Gustin bien sûr, mais aussi Ambarès, Tresses, Saint-Jean D’Illac, Saint-Loubes, etc.

Bio’Gustin est l’une de mes plus grosses Amap. En moyenne, il y a 25 familles qui me prennent du miel.

Ce qui est sûr, c’est que dans ce genre de crise, l’Amap est la meilleure façon de soutenir une agriculture paysanne !

Qu’est-ce qui différencie ton miel des autres ?

Déjà, je respecte le cahier des charges de la Bio. Je n’utilise donc pas de produit chimique. Par exemple pour traiter les ruches contre le varroa, l’agriculture conventionnelle autorise des pesticides très efficaces mais qui s’accumulent dans les matières grasses comme la cire. On en retrouve aussi des traces dans le miel ! Moi je n’utilise que de l’huile essentielle de thymol (thym) et de l’acide oxalique, deux produits naturels qui perturbent très peu les abeilles et qui ne polluent pas.

Toute la cire que j’utilise vient exclusivement de mon exploitation. Je suis très vigilant à ne jamais mélanger ma cire à celles des autres apiculteurs, pour éviter les maladies et les pollutions de mes ruches.

Je n’utilise aucun plastique dans mes ruches, alors qu’il existe des fonds de ruche, des nourrisseurs et même des ruches entières faites de plastiques. Elles sont moins chères, et demandent moins d’entretien mais je n’en veux pas. Les abeilles n’aiment pas le plastique, pas du tout même !

Je n’utilise pas de peinture pour mes ruches, uniquement de l’huile de lin pour protéger le bois.

D’ailleurs j’organise des chantiers participatifs pour nettoyer les cadres et peindre les ruches.

Pour en savoir plus sur les difficultés de l’apiculture française, Brut propose un reportage de 14 minutes avec des détails sur les fraudes et les « faux miels »

Pour en savoir plus sur Jazzymuté, le groupe de musique d’Alexandre : https://jazzymute.wixsite.com/jazzymute

Guillaume FOURNIER LAROQUE, notre ostréiculteur

Ce troisième épisode des interviews de producteurs est consacré à Guillaume FOURNIER LAROQUE, notre ostréiculteur.

Vous aurez l’occasion de le rencontrer le 9 février autour d’une dégustation d’huîtres et de vin nature.

En attendant, la lecture de ces quelques lignes vous en diront plus sur son parcours, les étapes de l’élevage d’une huître et en quoi il se distingue des autres ostréiculteurs. Nous avons aussi parlé de la crise qui a ébranlé les producteurs du Bassin d’Arcachon en début d’année et ses conséquences. C’est dans ce genre de situation que le soutien des amapiens est essentiel. Pour terminer, nous avons parlé des techniques d’élevage des huîtres et de leur impact environnemental, point sur lequel Guillaume se démarque particulièrement.

Bonne lecture et bonne dégustation !

Hervé

Guillaume, explique-nous comment tu es devenu ostréiculteur.

J’ai grandi sur la Bassin et j’ai toujours baigné dans ce milieu. Même si mes parents n’étaient pas ostréiculteurs, mes premiers jobs étaient dans l’huître. Pourtant j’ai démarré ma carrière dans l’électricité industrielle, mais j’ai vite bifurqué vers un bac pro « cultures marines » puis comme salarié dans une exploitation ostréicole pendant 5 ou 6 ans. Ensuite je me suis mis à mon compte en rachetant une exploitation. C’était il y a 15 ans.

A quoi ressemble ton exploitation aujourd’hui ?

J’ai 2 ha de parcs, principalement à l’Île aux Oiseaux, au Grand Banc, au Cap Ferret devant la plage des Américains et au Banc d’Arguin.

Notre point fort est notre cabane dans le village ostréicole de l’Herbe. C’est un très beau village, très touristique en saison, et nous avons aménagé une belle terrasse en bord de mer. Ça nous permet de vendre une bonne part de nos huîtres sur place, en dégustation, et donc de bien valoriser notre travail.

Je suis associé avec ma femme. Elle s’occupe surtout de la dégustation et moi de la production en hiver. En été, la dégustation nous occupe tous les deux à plein temps. Nous avons aussi deux salariés à l’année qui s’occupent exclusivement des huîtres. Nous maîtrisons la production de la naissance à l’assiette !

Nous avons un bateau (une plate), et dans notre cabane il y a un atelier pour trier les huîtres.

Nous produisons 60 tonnes d’huîtres par an. Pour vous donner une idée, les plus gros producteurs font plus de 250 tonnes par an. Nous sommes donc une petite exploitation. Il faut dire que notre facteur limitant c’est la place à terre pour travailler les huîtres. On ne peut pas vraiment produire plus que ça !

En complément de la dégustation à la cabane, nous faisons de la vente à emporter, de la vente directe avec livraison sur Bordeaux et des AMAP.

Pourquoi t’es-tu engagé dans des AMAP ?

J’ai cherché à diversifier mes circuits de commercialisation parce qu’on n’a pas le droit de faire que de la dégustation. J’ai essayé les marchés, mais j’ai arrêté parce que ça prend beaucoup de temps, c’est irrégulier, il faut des années pour se faire une clientèle, surtout que je ne viens pas en été. Alors j’ai démarché beaucoup d’AMAP en priorisant celles qui distribuent le jeudi et le vendredi : l’huître est surtout consommée le weekend ! J’ai bien aimé rencontrer les adhérents et les producteurs. Et puis c’est confortable pour nous d’avoir des commandes à l’avance. On peut prévoir et il n’y a pas de pertes.

On travaille avec 4 AMAP mais Bio’Gustin est la seule qui marche bien tout l’hiver. Dans les autres AMAP, nous ne venons plus que pour les fêtes. 

On sort tout juste d’une période de crise pour l’huître d’Arcachon, avec une forte couverture médiatique. Peux-tu nous en dire plus ?

C’est une grosse crise en effet. La vente a été interdite depuis fin décembre jusqu’au 18 janvier. Les fêtes de fin d’année c’est 30 % du chiffre d’affaires dans notre métier ! La vente est à nouveau autorisée mais le tapage médiatique va nous porter préjudice pendant encore longtemps. L’impact sur la vente à emporter va être fort. J’espère que la dégustation à la cabane se passera bien l’été prochain.

Le problème vient du manque d’entretien des réseaux d’assainissement des eaux usées. La population a beaucoup augmenté sur le Bassin mais les investissements dans les réseaux n’ont pas suivi. Les très fortes pluies de cet automne ont saturé les réseaux. On rencontre le même problème en Normandie, au Mont Saint-Michel, en Bretagne Sud, à Hossegor, à Marennes… Mais les médias ont beaucoup parlé du Bassin.

Du coup on est en colère avec les collègues. Ça fait des années qu’on signale le problème du manque d’investissement dans les réseaux mais l’état ne fait rien. Le côté positif de cette crise c’est qu’on va sûrement être entendus cette fois-ci. Le syndicat se bat pour faire bouger les choses. On organise des manifs, on a même porté plainte contre la SIBA (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon). J’ai bon espoir que notre mobilisation porte ses fruits.

On entend dire que les huîtres ont un mauvais bilan carbone. Peux-tu nous éclairer sur ce sujet ?

Tout dépend de la façon de travailler. Imaginez un gros producteur en Bretagne ou en Normandie par exemple. Ce sont des régions où on ne peut pas capter les naissains, l’huître n’étant pas naturellement présente. Il doit donc acheter de jeunes huîtres qui sont nées sur le Bassin d’Arcachon puis transportées en camion. Si en plus les sites d’élevage et d’engraissement sont distants, les huîtres vont faire le voyage en camion. Imaginez qu’elles partent ensuite sur Rungis pour être expédiées à l’autre bout de la France, ajoutez à ça 5 ou 6 jours de frigo, et vous avez un bilan carbone très mauvais.

Moi, je gère tout le cycle, de la naissance à l’assiette. Le seul transport, c’est quand je vous livre à Bordeaux. Je fais même attention à regrouper les livraisons. Et mes huîtres ne passent pas par le frigo. Je les sors du vivier au dernier moment.

Il faut savoir qu’il y a trois types d’ostréiculteurs : ceux qui vont, comme moi, de la naissance à l’assiette, ceux qui vont de la naissance au demi-élevage pour vendre ensuite les jeunes huîtres à ceux qui vont du demi-élevage à l’assiette.

On trouve même des huîtres nées sur le Bassin, qui sont élevées en Normandie ou en Bretagne et qui reviennent sur le Bassin pour finir leur élevage. Là on marche sur la tête !

Personnellement je trouve tes huîtres très bonnes. Pourtant je pensais que toutes les huîtres élevées au même endroit étaient identiques. Qu’est-ce qui fait la différence dans ton travail ?

Plus on travaille une huître et mieux elle grandit. Il faut la stimuler, surtout quand elle est jeune : on la ramène à l’atelier, on la trie, puis on la remet au parc 3 à 4 fois par an pendant 3 ans. Et puis il faut aussi savoir choisir le meilleur parc pour la remettre à l’eau : selon la saison, et le stade d’évolution de l’huître, quand on connaît bien le bassin, ses courants, la salinité de l’eau, etc., on choisit la zone. Par exemple le dernier stade, l’engraissement, se fait en principe au banc d’Arguin. L’eau y est plus riche en nourriture, les huîtres « prennent du coffre » (elles se remplissent bien de chair). En conclusion, il faut les mettre au bon endroit au bon moment, sachant que l’huître se nourrit de phytoplancton. Sa présence dans l’eau varie en fonction de la salinité et de la luminosité. C’est pour ça qu’on a deux pics de croissance : un au printemps, et l’autre à l’automne.

L’huître, c’est comme le vin : avec un même terroir, deux vignerons vont faire des vins plus ou moins bons. C’est leur façon de travailler qui fait la différence.

Si j’avais choisi de vendre mes huîtres en grande surface par exemple, j’aurais énormément simplifié le travail : je n’aurais pas capté les naissains mais j’aurais acheté des jeunes huîtres de 6 ou 9 mois ; j’aurais fait moins de tri et les huîtres seraient restées au même endroit, quelle que soit la saison ; je ne m’embêterais pas à les engraisser à Arguin. J’aurais ainsi produit de grosses quantités d’huîtres avec un coût de production très faible, mais elle auraient été vides et moins bonnes ! Moi j’ai fait le choix de vendre en direct une huître qui est bonne et charnue.

Patrice Pouget, Bio Chemins

Patrice, lors de la dernière distribution à Bio’Gustin, le 22 décembre dernier.

Ce deuxième épisode des interviews de producteurs est consacré à Patrice Pouget, notre maraicher fidèle au poste depuis la création de Bio’Gustin en 2012. 

Je le connais bien puisque j’ai adhéré au contrat légumes dès le début et participé à pas mal de chantiers participatifs. Mais surtout parce qu’il m’a pris sous son aile pour effectuer le stage de découverte du monde agricole qui aura été la première étape de ma reconversion pro.

Dans cet interview, nous sommes revenus rapidement sur son parcours pour ensuite nous attarder sur sa vision de l’agriculture biologique et ses motivations à en devenir un des pionniers dès les années 80. Enfin, nous parlons des AMAP en général et de Bio’Gustin en particulier.

La lecture de ces quelques lignes devraient vous permettre de mieux connaître ce paysan engagé, ses convictions fortes et ses motivations.

Hervé

Patrice, peux-tu nous résumer ton parcours professionnel ?

Après avoir grandi dans une famille paysanne, j’ai fait des études de Génie Civil et Bâtiment dans le but de ne pas travailler à la ferme ! Mais après un début de carrière dans l’industrie, un voyage de 2 ans en Afrique occidentale m’a bouleversé . J’y ai vécu parmi les habitants vivant avec la nature environnante.

A mon retour en France, le contraste a été sévère… Je suis rapidement revenu dans le monde agricole pour rejoindre un élevage bovin bio avec un ami. Puis j’ai suivi une formation en maraichage près de Lyon où j’ai participé à la création d’un jardin collectif et associatif : Côté Jardin. Cette asso, précurseur des AMAP actuelles, m’a ensuite salarié comme maraîcher. 

Après 5 ans, je suis revenu dans ma Charente natale pour m’installer en maraîchage. D’abord seul, sur 1 ha seulement. Puis la ferme a grossi, des associés sont venus, puis repartis. 

Aujourd’hui, Bio Chemins c’est 5 ha de maraichage bio, 6 équivalents temps complets dont moi-même, 2 salariés en CDI, Marie-Christine à mi-temps et des saisonniers.

Maintenant, l’heure de la retraite approche pour Marie-Christine et moi. Bénédicte, qui a le projet de reprendre Bio Chemins, est en train de finir son parcours de formation. Nous sommes dans la période de parrainage (on parle de tuilage en agriculture) depuis juin dernier et pour quelques mois encore. La fourniture de paniers à Bio’Gustin va donc continuer

Comment as-tu vu l’Agriculture Biologique évoluer au cours de ta carrière ?

Ma première expérience, en élevage bovin Bio, a démarré en 1984. A l’époque, la bio est très marginale. Elle n’est pas vraiment structurée, ce sont surtout des groupes de paysans qui s’organisent localement pour faire évoluer leurs pratiques. C’était une activité militante en réaction à l’essor de l’agriculture industrielle qui se fait à grands renforts de produits chimiques. Et c’était une aventure collective aussi. J’ai moi-même adhéré au GAB 17 (Groupement d’Agriculture Biologique de Charente-Maritime) à mes débuts. J’ai vu apparaître le cahier des charges du bio français, très inspiré à l’époque par celui de Nature & Progrès et donc ECOCERT, le premier organisme certificateur. Les premières Biocoop aussi. 

Avec l’apparition du premier cahier des charges européen en 1991, des financements européens vont permettre à la filière bio de se structurer. Une fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB), des fédérations régionales (FRAB), les premiers salariés qui soulagent le bénévolat des agriculteurs, etc… 

Aujourd’hui, ces structures départementales et régionales sont de véritables outils de développement.

Plus récemment, j’ai vu le moment où la demande en bio est devenue suffisamment importante pour intéresser l’agroindustrie et la grande distribution. Ils ont alors su faire pression pour assouplir le cahier des charges et l’adapter à leur logique de productivité et d’économies d’échelles. Beaucoup d’agriculteurs ont été attirés par les opportunités d’un marché dynamique, sans adhérer aux valeurs qui ont fondé la bio.

Justement, peux-tu nous décrire ta vision de l’évolution du marché de la Bio ?

Pour moi, c’est la crise de la vache folle qui a donné une première grosse impulsion, à la fin des années 90. Les consommateurs ont recherché plus de produits sains et naturels. La bio était une alternative à la logique folle de l’agroindustrie qui apparaissait alors clairement au grand jour.

Le COVID a aussi été un temps fort. Le petit marché qu’on organise à la ferme le samedi a vu des files d’attente incroyables à cette époque. Mais cette page là s’est vite tournée. L’industrie a su créer tout un tas de labels pour embrouiller les consommateurs : agriculture raisonnée, sans résidu de pesticides, et surtout le HVE ! Et puis l’inflation est venue se greffer là-dessus. 

D’ailleurs, les produits bio ont moins subi l’inflation que l’agriculture dite conventionnelle. Mais pourtant, le marché de la bio a bien ralenti alors que le nombre de conversions et d’installations en bio a été très important au cours des années précédentes. La filière bio est clairement en difficultés aujourd’hui.

Pourquoi t’es-tu engagé si tôt dans la bio ? D’où te vient cette conviction ?

J’ai grandi dans une campagne que le remembrement a fortement dégradée. J’ai vu de belles forêts remplacées par des monocultures de pins, des cours d’eau déviés et leur population de poissons disparaître, des haies et des bosquets arrachés. J’ai vu les produits chimiques polluer les nappes et l’air et rendre les paysans malades. Tout cela m’a touché dans ma chair. 

J’ai aussi compris qu’avec des grosses machines et des produits chimiques puissants on pouvait faire de grosses bêtises et causer de gros dégâts. C’est comme avec le nucléaire : on joue aux apprentis sorciers avec des outils que nous ne maitrisons pas complètement.

Aujourd’hui on parle beaucoup d’écoanxiété. Et bien moi j’ai ressenti très jeune ce genre d’émotions. Quand j’ai rencontré les paysans pionniers du bio, à la fin des années 70, je me suis alors senti moins seul. 

Ce qui m’a attiré dans l’agriculture biologique, c’est l’envie d’utiliser les forces de la nature pour produire sans abuser, sans détruire, sans polluer. Pour moi, tout ce qui est vivant est important. On doit prélever pour vivre, mais on peut le faire raisonnablement, avec respect. Le bio s’inscrit dans une recherche de moyens de produire sans saccager. 

Ca nécessite d’approfondir sans cesse la connaissance et la compréhension du monde vivant, de sa complexité, de ses équilibres. La vie des sols, les interactions entre végétaux et animaux, la biologie végétale sont des sujets passionnants.

En résumé, le Bio, c’est le respect du vivant. Pour cela, on interdit les produits chimiques de synthèse (engrais, traitements, ..)  et les pratiques contre-nature comme les OGM et les cultures hors-sols.

Pourquoi es-tu engagé dans plusieurs AMAP ?

On a été démarché très tôt par des AMAP, dès 2003. Forcément, après mon expérience de jardin associatif près de Lyon, l’idée m’a plu. J’ai vu ça comme un choix politique : s’engager dans un projet avec des consommateurs qui veulent prendre en charge leur alimentation, s’intéresser à ce qu’il mettent dans leur assiette. J’ai eu très envie de me lancer dans l’aventure malgré des hésitations au début : je devais abandonner des marchés qui fonctionnaient et j’avais peur que cet engouement pour les AMAP ne soit qu’un feu de paille. Mais on l’a fait et aujourd’hui c’est une part essentielle de Bio Chemins.

Explique-nous ce que ça change, pour une ferme comme Bio Chemins, l’engagement dans des AMAP.

Le gros intérêt pour nous, c’est l’engagement des adhérents. Ca nous donne une visibilité incroyable. On peut planifier les cultures au plus juste, anticiper une grosse part de notre chiffre d’affaires. 

Ca sécurise beaucoup, et ça nous permet donc de sécuriser des emplois : on a eu jusqu’à 3 salariés en CDI à l’année, ce qui est beaucoup pour une petite exploitation comme Bio Chemins.

Ensuite, c’est moins fatiguant qu’un marché. Ca dure moins longtemps, c’est plus régulier, il n’y a pas d’aléa météo. Bref, ça apporte beaucoup de confort dans un métier où le confort est rare… Et ça nous permet de nous focaliser sur le cœur de notre métier : la production. 

Avec les AMAP, on est moins stressé par la commercialisation, donc plus concentré sur la production. Au passage, on règle aussi le problème des pertes en cas de surproduction. 

Quand on revient d’un marché on a toujours des invendus. Avec les AMAP, si on produit trop, on met tout dans les paniers et les adhérents sont contents !

Enfin, la relation avec les consommateurs est très enrichissante. Quand on est producteur, c’est très motivant de savoir pour qui on produit.

Quelle est, de ton point de vue, la particularité de Bio’Gustin ?

Du fait que la distribution est le vendredi, c’est toujours moi qui m’en occupe. Les salariés de Bio Chemins vont plutôt faire les distributions en semaine. Je connais donc bien les adhérents. 

C’est pourquoi je viens avec beaucoup de plaisir. Et puis l’ambiance est bonne, l’asso est dynamique. Ca fait plus de 11 ans que je viens tous les vendredis et j’en suis ravi !

Il paraît qu’un maraicher, ça travaille dur. Décris-nous une semaine type.

Je travaille 7 jours sur 7. Le mercredi après-midi, je prends du temps pour mon autre passion : la peinture. Je donne des cours à des enfants puis je participe à l’atelier des adultes.

Les journées sont assez chargées. Le réveil est vers 6h du matin. A la ferme je m’occupe surtout de la préparation des planches avec le tracteur, du binage (NDLR : désherbage mécanique, avec un outil qui racle la terre en surface. Il n’y a pas de désherbant en agriculture biologique) et de l’irrigation. Les salariés s’occupent surtout des plantations et de semis, des récoltes et du conditionnement.

Après le déjeuner, je m’offre une sieste. L’après midi je retourne au champ. En saison haute, je peux terminer tard le soir.

Le samedi matin, je tiens le petit marché à la ferme. Le dimanche, c’est le gros marché des Chartrons, à Bordeaux. Le réveil sonne encore plus tôt, et je rentre à la ferme vers 15 h, bien fatigué. Je me repose le dimanche après-midi.

Pas de vacances ?

2 semaines pour les fêtes de fin d’année. J’en profite pour peindre, pour bricoler.

Une petite question d’actualité pour finir : les pluies diluviennes de ces dernières semaines créent-elles des dégâts dans les champs ? Doit-on s’inquiéter pour nos futurs paniers de légumes ?

Non, pas vraiment. D’abord, ça tombe à une époque où on cultive essentiellement dans les serres, donc à l’abri de la pluie. Nos sols sont très sableux, donc très filtrants. On peut donc travailler dans des conditions presque normales. 

Le seul problème, c’est qu’on n’a pas pu nettoyer les planches des cultures d’automne, mais rien de grave. Comme je dis toujours, une mauvaise météo c’est une météo qui dure trop longtemps. 

C’est normal d’avoir beaucoup de pluie en automne, si ça se calme dans les semaines qui viennent alors ça n’aura pas de conséquence sur notre production de légumes.

Vincent Aimé de la Ferme brasserie Moustous

Vincent et Lucie

Chers adhérents et producteurs de Bio’Gustin,

Je suis Hervé, adhérent de la première heure, ancien administrateur et aujourd’hui producteur de notre Amap . Ce message est le premier d’une longue série. 

Son ambition est de vous amener à la rencontre de vos producteurs et de vous donner des nouvelles du terrain. 

Parce que je suis convaincu qu’être engagé dans une Amap c’est bien plus que d’avoir accès à des produits locaux : c’est aussi avoir la chance de côtoyer des producteurs engagés, courageux, qui bravent les difficultés (aléas climatiques, obstacles administratifs,  inflation, …) pour vous proposer des produits dont ils sont fiers, en accord avec leurs convictions.

Cette série d’interviews commence avec la Ferme Brasserie Moustous. J’ai passé un peu moins d’une heure au téléphone avec Vincent Aimé, et je suis impressionné de ce que j’ai appris. En voici une synthèse. 

Bonne lecture.

Vincent et Lucie se sont installés en 2012 dans le Sud Gironde, près de Bazas. Las de leurs jobs respectifs, ils décident de se reconvertir dans l’agriculture et de créer la ferme de leurs rêves. 

D’abord artisans brasseurs, leur bière rencontre rapidement du succès. Ils plantent alors en 2015 une houblonnière (de 2000 m2), un verger diversifié (pommes, poires, prunes, cerises, abricots, etc. sur 1,5 ha), des petits fruits (fraises, framboises, cassis sur 2000m2) et des aromates (verveine, basilic, etc.). 

Mais ils veulent aller bien plus loin encore en produisant eux-mêmes les céréales nécessaires à la fabrication de la bière. 

Les écueils sont nombreux, mais leur détermination leur permet de devenir en 2020 des fermiers de Terre de Liens, sur une parcelle céréalière de 16,5 ha. 

Nos brasseurs vont beaucoup plus loin

Les voici paysans brasseurs ! Aujourd’hui, ils produisent en autonomie 97 % de la matière première nécessaire à la fabrication de leur bière. Et ça, c’est exceptionnel !

Comme vous le savez sûrement, leur bière est certifiée Agriculture Biologique. C’est la preuve qu’ils respectent un cahier des charges exigeant, tant pour la production de céréales que dans la brasserie. 

Mais accrochez-vous bien, nos paysans brasseurs vont beaucoup plus loin :

chaque année ils ne sèment qu’un quart de leur parcelle céréalière en orge et en blé. Les trois autres quarts reçoivent des cultures de féverole et de tournesol pour enrichir naturellement le sol et baisser la pression parasitaire. 

Après récolte, les pailles sont incorporées au sol pour augmenter encore les quantités de matière organique et ainsi nourrir la vie du sol. Le travail du sol est réduit à 1 labour tous les 8 ans seulement. Le désherbage est mécanique et superficiel. Bref, la préservation de la vie du sol est à l’honneur. 

Champ d’orge
Champ de févérole

Grâce à cela, les cultures de céréales se font sans aucun intrant : pas de fumure, pas de traitement, pas de chaulage. Des graines, de la terre, et de l’eau…

La ferme fait partie du collectif Mètis du Réseau Semences Paysannes.

« Ces collectifs inventent de nouveaux systèmes semenciers, source de biodiversité cultivée et d’autonomie, face au monopole de l’industrie sur les semences et à ses OGM brevetés. »

Ils refusent de creuser un forage pour pomper l’eau des nappes pour l’irrigation.

La ferme accueille trois vaches qui se nourrissent des déchets de la brasserie alors qu’une station de phytoépuration en purifie les eaux usées.

Les cuves et le matériel sont lavées à la vapeur, évitant ainsi l’usage de détergents.

Les bouteilles usagées rapportées par les clients (sans les étiquettes svp !) sont lavées et réutilisées, même si cela demande plus de travail et ne permet pas vraiment de réaliser d’économies.

Mais ce n’est pas tout : le label AB n’étant pas assez exigeant à leur goût, surtout pour la brasserie, ils ont fait la démarche d’y ajouter le label Nature & Progrès. Ainsi, ils refusent de nombreuses pratiques autorisées en bio comme la gazéification artificielle par injection de gaz carbonique, l’utilisation d’agents de clarification ou de mousse, le nourrissement des levures avec des additifs. 

En bref, ils privilégient les méthodes naturelles et traditionnelles et refusent autant que possible de nombreuses solutions techniques qui pourraient dénaturer leur produit.

Vincent et Lucie illustrent bien qu’une Amap n’est pas qu’un moyen de consommer local et direct producteur. C’est surtout le meilleur moyen de soutenir des producteurs hors normes, qui vont au-delà des réglementations et des cahiers des charges, qui prennent des risques et qui proposent des produits dont ils peuvent être fiers ! 

Bien plus que bio

Qu’y a-t-il de commun entre leur bière et une bière bio achetée dans votre épicerie préférée ? Saviez-vous que le cahier des charges du bio autorise d’acheter du houblon non bio ? regardez bien les étiquettes et vous en trouverez certainement où le houblon, dans la liste des ingrédients, n’est pas suivi du « * » rapportant à la mention « produits issus de l’agriculture biologique ».

Peut-être qu’après avoir lu ces quelques lignes, vous ne verrez plus la bière Moustous comme une bière bio, mais comme VOTRE bière « bien plus que bio » ! 

Peut-être que vous aurez envie de la faire goûter à vos porches et de leur raconter l’histoire de ces paysans brasseurs assez fous pour résister à l’industrialisation tout venant et à ses économies d’échelle.

Et peut-être aussi que vous aurez envie d’en savoir plus sur leur ferme et sur les projets en cours (le bistrot à la ferme en cours de construction, les formations de Lucie à la vannerie, aux teintures, aux impressions végétales). 

Vous pouvez jeter un œil aux réseaux sociaux ou à leur catalogue , mais personnellement je vous conseille surtout de profiter de la chance que vous avez de rencontrer Vincent lors de sa distribution mensuelle. 

Ça tombe bien, la prochaine date est le 24 novembre ! N’oubliez-pas d’apporter votre verre, il pourrait y avoir de la bière à déguster…