Guillaume FOURNIER LAROQUE, notre ostréiculteur

Ce troisième épisode des interviews de producteurs est consacré à Guillaume FOURNIER LAROQUE, notre ostréiculteur.

Vous aurez l’occasion de le rencontrer le 9 février autour d’une dégustation d’huîtres et de vin nature.

En attendant, la lecture de ces quelques lignes vous en diront plus sur son parcours, les étapes de l’élevage d’une huître et en quoi il se distingue des autres ostréiculteurs. Nous avons aussi parlé de la crise qui a ébranlé les producteurs du Bassin d’Arcachon en début d’année et ses conséquences. C’est dans ce genre de situation que le soutien des amapiens est essentiel. Pour terminer, nous avons parlé des techniques d’élevage des huîtres et de leur impact environnemental, point sur lequel Guillaume se démarque particulièrement.

Bonne lecture et bonne dégustation !

Hervé

Guillaume, explique-nous comment tu es devenu ostréiculteur.

J’ai grandi sur la Bassin et j’ai toujours baigné dans ce milieu. Même si mes parents n’étaient pas ostréiculteurs, mes premiers jobs étaient dans l’huître. Pourtant j’ai démarré ma carrière dans l’électricité industrielle, mais j’ai vite bifurqué vers un bac pro « cultures marines » puis comme salarié dans une exploitation ostréicole pendant 5 ou 6 ans. Ensuite je me suis mis à mon compte en rachetant une exploitation. C’était il y a 15 ans.

A quoi ressemble ton exploitation aujourd’hui ?

J’ai 2 ha de parcs, principalement à l’Île aux Oiseaux, au Grand Banc, au Cap Ferret devant la plage des Américains et au Banc d’Arguin.

Notre point fort est notre cabane dans le village ostréicole de l’Herbe. C’est un très beau village, très touristique en saison, et nous avons aménagé une belle terrasse en bord de mer. Ça nous permet de vendre une bonne part de nos huîtres sur place, en dégustation, et donc de bien valoriser notre travail.

Je suis associé avec ma femme. Elle s’occupe surtout de la dégustation et moi de la production en hiver. En été, la dégustation nous occupe tous les deux à plein temps. Nous avons aussi deux salariés à l’année qui s’occupent exclusivement des huîtres. Nous maîtrisons la production de la naissance à l’assiette !

Nous avons un bateau (une plate), et dans notre cabane il y a un atelier pour trier les huîtres.

Nous produisons 60 tonnes d’huîtres par an. Pour vous donner une idée, les plus gros producteurs font plus de 250 tonnes par an. Nous sommes donc une petite exploitation. Il faut dire que notre facteur limitant c’est la place à terre pour travailler les huîtres. On ne peut pas vraiment produire plus que ça !

En complément de la dégustation à la cabane, nous faisons de la vente à emporter, de la vente directe avec livraison sur Bordeaux et des AMAP.

Pourquoi t’es-tu engagé dans des AMAP ?

J’ai cherché à diversifier mes circuits de commercialisation parce qu’on n’a pas le droit de faire que de la dégustation. J’ai essayé les marchés, mais j’ai arrêté parce que ça prend beaucoup de temps, c’est irrégulier, il faut des années pour se faire une clientèle, surtout que je ne viens pas en été. Alors j’ai démarché beaucoup d’AMAP en priorisant celles qui distribuent le jeudi et le vendredi : l’huître est surtout consommée le weekend ! J’ai bien aimé rencontrer les adhérents et les producteurs. Et puis c’est confortable pour nous d’avoir des commandes à l’avance. On peut prévoir et il n’y a pas de pertes.

On travaille avec 4 AMAP mais Bio’Gustin est la seule qui marche bien tout l’hiver. Dans les autres AMAP, nous ne venons plus que pour les fêtes. 

On sort tout juste d’une période de crise pour l’huître d’Arcachon, avec une forte couverture médiatique. Peux-tu nous en dire plus ?

C’est une grosse crise en effet. La vente a été interdite depuis fin décembre jusqu’au 18 janvier. Les fêtes de fin d’année c’est 30 % du chiffre d’affaires dans notre métier ! La vente est à nouveau autorisée mais le tapage médiatique va nous porter préjudice pendant encore longtemps. L’impact sur la vente à emporter va être fort. J’espère que la dégustation à la cabane se passera bien l’été prochain.

Le problème vient du manque d’entretien des réseaux d’assainissement des eaux usées. La population a beaucoup augmenté sur le Bassin mais les investissements dans les réseaux n’ont pas suivi. Les très fortes pluies de cet automne ont saturé les réseaux. On rencontre le même problème en Normandie, au Mont Saint-Michel, en Bretagne Sud, à Hossegor, à Marennes… Mais les médias ont beaucoup parlé du Bassin.

Du coup on est en colère avec les collègues. Ça fait des années qu’on signale le problème du manque d’investissement dans les réseaux mais l’état ne fait rien. Le côté positif de cette crise c’est qu’on va sûrement être entendus cette fois-ci. Le syndicat se bat pour faire bouger les choses. On organise des manifs, on a même porté plainte contre la SIBA (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon). J’ai bon espoir que notre mobilisation porte ses fruits.

On entend dire que les huîtres ont un mauvais bilan carbone. Peux-tu nous éclairer sur ce sujet ?

Tout dépend de la façon de travailler. Imaginez un gros producteur en Bretagne ou en Normandie par exemple. Ce sont des régions où on ne peut pas capter les naissains, l’huître n’étant pas naturellement présente. Il doit donc acheter de jeunes huîtres qui sont nées sur le Bassin d’Arcachon puis transportées en camion. Si en plus les sites d’élevage et d’engraissement sont distants, les huîtres vont faire le voyage en camion. Imaginez qu’elles partent ensuite sur Rungis pour être expédiées à l’autre bout de la France, ajoutez à ça 5 ou 6 jours de frigo, et vous avez un bilan carbone très mauvais.

Moi, je gère tout le cycle, de la naissance à l’assiette. Le seul transport, c’est quand je vous livre à Bordeaux. Je fais même attention à regrouper les livraisons. Et mes huîtres ne passent pas par le frigo. Je les sors du vivier au dernier moment.

Il faut savoir qu’il y a trois types d’ostréiculteurs : ceux qui vont, comme moi, de la naissance à l’assiette, ceux qui vont de la naissance au demi-élevage pour vendre ensuite les jeunes huîtres à ceux qui vont du demi-élevage à l’assiette.

On trouve même des huîtres nées sur le Bassin, qui sont élevées en Normandie ou en Bretagne et qui reviennent sur le Bassin pour finir leur élevage. Là on marche sur la tête !

Personnellement je trouve tes huîtres très bonnes. Pourtant je pensais que toutes les huîtres élevées au même endroit étaient identiques. Qu’est-ce qui fait la différence dans ton travail ?

Plus on travaille une huître et mieux elle grandit. Il faut la stimuler, surtout quand elle est jeune : on la ramène à l’atelier, on la trie, puis on la remet au parc 3 à 4 fois par an pendant 3 ans. Et puis il faut aussi savoir choisir le meilleur parc pour la remettre à l’eau : selon la saison, et le stade d’évolution de l’huître, quand on connaît bien le bassin, ses courants, la salinité de l’eau, etc., on choisit la zone. Par exemple le dernier stade, l’engraissement, se fait en principe au banc d’Arguin. L’eau y est plus riche en nourriture, les huîtres « prennent du coffre » (elles se remplissent bien de chair). En conclusion, il faut les mettre au bon endroit au bon moment, sachant que l’huître se nourrit de phytoplancton. Sa présence dans l’eau varie en fonction de la salinité et de la luminosité. C’est pour ça qu’on a deux pics de croissance : un au printemps, et l’autre à l’automne.

L’huître, c’est comme le vin : avec un même terroir, deux vignerons vont faire des vins plus ou moins bons. C’est leur façon de travailler qui fait la différence.

Si j’avais choisi de vendre mes huîtres en grande surface par exemple, j’aurais énormément simplifié le travail : je n’aurais pas capté les naissains mais j’aurais acheté des jeunes huîtres de 6 ou 9 mois ; j’aurais fait moins de tri et les huîtres seraient restées au même endroit, quelle que soit la saison ; je ne m’embêterais pas à les engraisser à Arguin. J’aurais ainsi produit de grosses quantités d’huîtres avec un coût de production très faible, mais elle auraient été vides et moins bonnes ! Moi j’ai fait le choix de vendre en direct une huître qui est bonne et charnue.